1981-2001: d'un dix mai à l'autre

Publié le par Désirs d'Avenir en Vaucluse

Ce 10 mai 2011 est aussi le jour de la commémoration annuelle de la mémoire de l’esclavage et, cette année, l’anniversaire des dix ans de la loi proposée par Christiane Taubira, députée de la Guyane, et soutenue par la gauche, reconnaissant la traite et l’esclavage pour ce qu’ils furent : non pas un crime inhumain mais un crime contre l’humanité.

Par cette loi votée le 10 mai 2001 et promulguée le 21 mai, la République a choisi d’assumer avec lucidité ce passé constitutif de notre histoire commune et de rendre hommage à ceux, noirs et blancs, esclaves révoltés et abolitionnistes engagés, qui se dressèrent contre « l’infâme commerce ». Notre pays s’honore d’avoir été le premier à caractériser le crime esclavagiste. Voici en quels termes cette loi l’énonce en son article 1 : « La République française reconnait que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’Océan indien, d’une part, et l’esclavage, d’autre part, perpétrés à partir du XVème siècle aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’Océan indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité ».
L’esclavage avait été aboli une première fois, en 1794, mais Bonaparte le rétablit, au prix d’une répression sanglante, en 1802. Et c’est également un 10 mai que le chef de la résistance guadeloupéenne à cette restauration de l’esclavage, Louis Delgrès, sachant imminente la défaite des insurgés, rendit public son ultime message, connu sous le nom de « Proclamation de Basse Terre ». 10 mai 1802, 10 mai 1981, 10 mai 2001… nous pouvons, en ce 10 mai 2011, les associer.

La République s’y reprit donc à deux fois pour tenir sa promesse d’égalité civique. Aimé Césaire a puissamment évoqué la figure de Schoelcher en 1982, à la tribune de l’Assemblée nationale : c’est avec la même force éthique, la même indifférence aux insultes et aux calomnies, la même ténacité sa vie durant que Schoelcher, rappelait-il, s’est battu pour l’abolition de l’esclavage, pour les droits des ouvriers « victimes désignées d’un capitalisme sauvage »et pour le respect des civilisations africaines.

« Il n’est, disait François Mitterrand, de révolution pour la justice que permanente ».

 « Le séculaire combat pour la liberté, l’égalité et la fraternité, disait Aimé Césaire, n’est jamais entièrement gagné et c’est tous les jours qu’il vaut la peine d’être livré ».

Dans ce combat jamais achevé s’inscrivent les résistances constantes qu’opposèrent à leur déshumanisation et à leur marchandisation (à la « chosification » disait Aimé Césaire) ces hommes et ces femmes déportés d’Afrique et asservis. Résistants, celles et ceux qui se jetèrent à la mer durant la traversée des bateaux négriers. Résistants, celles et ceux qu’on appelait « marrons » car ils s’étaient évadés des plantations pour vivre libres en des lieux inaccessibles. Résistants, ces esclaves révoltés qui s’emparèrent des idéaux de 1789 et en firent l’étendard de leurs luttes pour la liberté. Résistants, celles et ceux qui, cernés par les troupes venues les remettre dans les fers, choisirent avec Delgrès, en 1802, la mort plutôt que la servitude. Résistants, celles et ceux qui refusèrent de se résigner et poussèrent la République issue de la Révolution de 1848 à abolir enfin l’esclavage.
L’abolition ne fut pas un cadeau octroyé mais une conquête, fruit de luttes menées dans les outre-mers et dans l’Hexagone par les esclaves eux-mêmes et par les ennemis de l’esclavage, co-fondateurs ensemble d’une République qu’ils voulaient fraternelle.
Contre le travail forcé, contre le carcan colonial, contre la citoyenneté à deux vitesses, il fallut d’autres combats, indissociables d’un combat plus vaste pour la justice sociale. Mais c’est ainsi, rappelait François Mitterrand, que va l’histoire : de nouvelles dominations se substituent à celles qu’on a défaites et de nouvelles générations reprennent le flambeau, fortes des mêmes valeurs et porteuses de nouveaux progrès.

Contre le vieux monde, disait-il, « ils ont de leur côté la liberté et la justice. S’ils l’osent, ils auront l’espérance ».

A notre tour d’être des porteurs d’espoir.

Pour ouvrir au pays, en 2012, un nouveau chemin de réconciliation et de redressement.

 

Ségolène ROYAL

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