Des policiers attaquent l'État !
"Des policiers attanquent l'Etat !"
"La prise de bec mercredi entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ne pouvait pas mieux tomber : un syndicat de policier réclame à l'Etat Français le paiement de 6 500 000 heures supplémentaires et le conseil de l'Europe estime cette demande recevable".
Christine Lagrange, Coordonnatrice Désirs d'Avenir 84
HEURES SUPPLEMENTAIRES : Une première en France
DAUPHINE LIBERE
Manuel PASCUAL
L'Intérieur leur opposerait en tout cas le refus de rémunérer leurs heures supplémentaires à un niveau acceptable pour eux. La plupart d'entre elles, notamment accumulées à la faveur d'enquêtes judiciaires et d'actes administratifs chronophages, ne leur seraient ni payées ni compensées. Et à l'heure des comptes,
Claudius Gigan, le délégué du Syndicat national des officiers de police (SNOP) pour le Vaucluse, souligne que «c'est la vie de famille qui en patit». Dans le département, une moyenne de 1 200 heures supplémentaires par officier seraient égarées quelque part dans le labyrinthe des nécessités du service.
Alors le 16 décembre 2006, le SNOP (majoritaire à 53%) a tapé du poing sur la table et a engagé auprès du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe une procédure contentieuse contre la France, pour "non respect du droit du travail". Une déclaration de guerre sur le terrain du droit.
Il a saisi cette instance pour obtenir le règlement de la bagatelle de 6,5 millions d'heures supplémentaires dues aux officiers de police. Pour un montant arrêté à 160 millions d'euros. Une grande première, puisqu'aucun syndicat de policiers n'avait jamais attaqué l'État français.
Or, il se trouve que le Comité européen des droits sociaux vient de juger cette requête parfaitement recevable. Une authentique révolution et un vrai motif d'espérance pour les 13 000 officiers français dont une soixantaine en poste dans le Vaucluse. Et par voie de conséquence pour tous les fonctionnaires de police. Dans l'attente d'un examen de cette affaire au fond, Karine Bougard-Cerfontaine, secrétaire nationale du SNOP chargée du contentieux, a tenu une réunion d'information consacrée à ce dossier hier à Avignon.
Faire condamner la France
Et alors que le candidat Nicolas Sarkozy se positionne en parangon de la vertu du travail, elle n'a pas mâché ses mots: «Nous sommes un syndicat apolitique, mais quand je l'entends dire qu'il faut travailler plus pour gagner plus, ça m'amuse. Quand il était ministre de l'Intérieur, toutes les heures supplémentaires dans le cadre des manifs anti-CPE ont été indemnisées à sept euros net. C'est une décision qu'il a prise unilatéralement.
Or, il y a des règles qu'il faut respecter et nous demandons un montant qui soit du niveau du grade». Ou la mise en place d'un compte épargne-temps.
Il faut cependant savoir que dans la police, les heures supplémentaires ne sont traditionnellement pas payées, mais compensées. Il se trouve qu'en raison de leur nombre, elles passent le plus souvent à la trappe. Sauf à l'heure de la retraite, qui parfois sonne plusieurs mois avant l'échéance réelle en raison du reliquat d'heures. Avec la bénédiction de l'administration.
C'est ainsi que pour Karine Bougard-Cerfontaine, la recevabilité de cette requête par une instance européenne ouvre un certain nombre de perspectives: «Cette affaire sera examinée sur le fond d'ici le mois d'octobre, et la France risque d'être condamnée pour non-respect de la législation du travail». Claudius Gigan se félicite aussi de l'oreille attentive enfin prêtée aux officiers de police qui sacrifient beaucoup de leur temps à leur travail.
Alors que dans les commissariats certains chefs de service refuseraient même parfois de prendre en charge des frais de mission. Y compris dans les unités dont les enquêtes judiciaires de terrain sont la raison d'être...